dimanche 6 mai 2018

Ispahan, un autre Iran

Comme pour Yazd, la découverte d'Ispahan n'aurait pas été aussi extraordinaire sans l'accueil exceptionnel qui nous a été offert par nos hôtes. Sahar et Ali, un couple qui passe tout juste la quarantaine cette année et qui nous offre une image d'un Iran moderne, non religieux. C'est aussi un couple certain du potentiel de leur pays et à la fois, désabusé que celui-ci passe à côté. Ils souhaitent le quitter car pour eux la prochaine révolution se fera, mais probablement trop tard pour qu'ils en profitent. C'est un point de vue intéressant qu'ils nous partagent en toute transparence. Pour nous, c'est aussi une nouvelle vision des choses.
En dehors de cela, ce sont des gens formidables qui nous chouchoutent et qui ont été adorables avec les enfants. Toujours un petit cadeau ou une attention pour les filles. Ca va du plat de spaghettis pour nous accueillir à la soirée pizzas. Enfin, Nelly retrouve vraiment le sourire à table! 
Ils nous font découvrir aussi un centre commercial moderne comme chez nous. On peut y voir les jeunes faire leurs emplettes. Les femmes font reculer le voile le plus loin possible en arrière de la tête. Ca nous change de Yazd, où c'était plus traditionnel. On y trouve une sorte de fête foraine, un cinéma, des concerts y sont organisés. Un jour viendra où les Iraniens déserteront leur traditionnel bazar pour ne passer leur temps que dans ce genre de lieu... 
Ils nous emmène sur la montagne environnante pour y prendre le petit-déjeuner. On a une vue splendide sur l'étendue de la ville.
Sahar a passé plusieurs journées à nous faire visiter les merveilles de la ville. La place Nasq e Jahan est sublime! La mosquée Jameh et la Medresa Loftolla, ainsi que le palais Ali Qapu et la grande porte du Bazar ornent les quatre ailes de la place. Un jardin bien aménagé et la piétonnisation des lieux en font un endroit très agréable.
 Des arcades de bazar entourent toute la place. On y passe des heures à regarder les étals et à faire nos dernières emplettes. Du thé iranien, une de ces belles assiettes bleues peintes sur du cuivre, quelques bibelots. On adore flaner entre les boutiques de cuivre, les etoffes, les tapis, les épices, les miniatures gravées sur des boites en os de chameau, etc.

On teste encore et encore de nouvelles spécialités culinaires comme une nouvelle purée d'aubergine ou le byriani. Rien à voir avec celui venu d'Inde. Ici le byriani est une sorte de steak haché de mouton que l'on mange dans du pain avec toujours ces petites herbes fraîches. Nelly se régale. Cela lui rappelle notre steak haché français.
Ispahan recèle de biens d'autres merveilles. Un fabuleux palais (Chehel Sotun) contenant des fresques de banquets et batailles, dans un parc arboré magnifique. Plusieurs ponts sur le fleuve désormais asséché (depuis 2 ans!) pour cause de sécheresse accrue. Les bords de fleuves sont pleins d'arbres et de massifs de fleurs. Ispahan est très agréable pour ses espaces verts. De grands arbres bordent la plupart des artères. Cela apporte de la fraîcheur pour s'y promener. 
Nous avons aussi découvert un pigeonnier: une grande tour avec quelques ouvertures au sommet, dans laquelle ont été aménagé dans les murs en pisé des milliers d'alvéoles pour loger les volatiles. On y récupérait les excréments pour les utiliser comme fertilisants.
Enfin, nous finissons par l'une des plus grandes et plus anciennes mosquées du pays. Beaucoup plus sobre dans ses ornements, la mosquée de l'Imam Ali, est impressionnante. D'immenses salles de prière sont aménagées entre les colonnes en brique. On y voit aussi de très beaux exemples de mihrabs en stuc. Elle en impose et avec relativement peu de visiteurs, on a eu une impression de sérénité. 

Nous finissons donc le pays avec une ville splendide, dans laquelle il fait plutôt bon vivre. Notre dernier couchsurfing a été un vrai moment de partage. Nous avons fait une soirée crêpes en essayant le jambon local (sans porc bien évidemment). Ali nous a appris à jouer au baggammon. Sahar nous ravi par son enthousiasme débordant et ses petits déjeuners succulents. Nous les quittons avec émotion, en espérant les revoir un jour, peut-être en Europe?

La traversée du désert

Après de nombreuses villes, nous avons fait une escapade dans le désert à environ 400km à l'est d'Isfahan. Nous découvrons sur la route un paysage plat parsemé de chaines de petites montagnes rocheuses. La végétation est rare et les villes aussi. Les routes actuelles sont les mêmes que celles des caravaniers. On trouve donc régulièrement des citernes anciennes ainsi que des caravansérails. Certains sont encore très bien conservés et nous plongent dans le mythe de la route de la Soie. On imagine encore très bien ces dromadaires chargés d'étoffes, épices et autres produits précieux entrer dans l'immense porte du caravansérail afin d'y trouver un peu de repos et des échanges sociaux.

Pour rejoindre Garmeh, à environ 300km de Yazd, nous n'avons pas de bus. "Il ne passe pas aujourd'hui !". Nous arrivons à négocier une voiture à la gare de bus. Notre chauffeur ne fait pas vraiment confiance à notre GPS. Il faut dire qu'en se levant le matin, il n'avait pas prévu ce long périple! Du coup, il nous propose de prendre le thé chez lui, afin de prendre une douche et une peu de forces avant de nous conduire. Par chance, il a une fille de 7 ans, Yazna, qui joue avec Alix et Nelly. Il fait un détour pour nous acheter des fruits car en Iran, ils ont un sens aigu de l'accueil.

Sur la route, à Kharanaq, il y en a un très beau caravansérail, qui est restauré, à côté de la forteresse en pisé abandonné. Sur la route entre Yazd et Khur, on en aperçoit un autre. A Beyazeh, c'est une autre forteresse en pisé que l'on découvre en fin d'après-midi. 
Enfin, arrive Garmeh, le petit village au coeur d'une oasis redinamysé par un artiste local avec un éco-lodge faisant le plein de touristes en mal d'aventures. L'endroit est tranquille. On profite des points de vue offert par les montagnes environnantes et de la fraicheur de l'oasis. Palmiers et grenadiers en fleur arrosés par l'eau de la source avoisinante. Nous lions d'amitié avec une famille de français qui le même goût que nous pour les destinations originales. On est quand même allé la même année en Albanie!

Un peu plus au nord, nous faisons halte pour 2 autres nuits à Farahzad. Encore moins de choses à faire qu'à Garmeh! Ici, c'est le bout d'une route au milieu d'une univers de dunes de sable. Nous jouons dans les dunes, parcourons les quelques champs arrosés par un qanat venu de la montagne. Par chance, on aperçoit un lapin courir dans les dunes! Une promenade à dos de dromadaires ravit les enfants. Nous prenons le temps de nous reposer et de faire de nombreux jeux avec les enfants. Nous dégustons aussi ici probablement les meilleurs repas du séjour. Le dizi, plat traditionnel, cuit avec la marmite sous les cendres. Ou encore le Kashk (soupe à la menthe et au fromage de chèvre vieilli). Partout où nous passons, l'accueil est amical et discret. On finit par nous demander si la photo des filles à dos de dromadaires peut être utilisée sur le site web du lodge... Ca y est! Le début de la célébrité!

Pour rejoindre Ispahan, nous prenons un bus local. 200km de route dans les montagnes, puis pause à Anarak, petite ville qui semble être prometteuse pour le tourisme bien qu'elle ne soit dans aucun guide. Une vieille ville, une muraille et une position entourée de montagnes. Que demander de plus? Enfin, une route toute droite dans le désert jusqu'à Ispahan. Nous, on s'arrête à Kupayeh pour dormir dans un caravansérail. On en rêvait. On croirait que cet hôtel n'a été ouvert que pour nous. On arrive tant bien que mal à négocier l'une des meilleures chambres. Elle est en duplex. On mange dans un coin du bâtiment, transformé en restaurant.  Sous les voutes en briques, c'est sublime. La cour est ornée de buissons et l'éclairage met le tout en valeur ma nuit. On s'endort en rêvant à la route de la soie.